L’arrivée l’an dernier au California Grill d’un chef étoilé au guide Michelin a un peu surpris dans le petit monde de la gastronomie. En effet, si en 1992 EuroDisney avait embauché un meilleur ouvrier de France, la société s’était faite très discrète sur le marché du recrutement.
Or Philippe GENELETTI est arrivé précédé d’une réputation flatteuse. Il a en effet obtenu son étoile à 35 ans, ce qui en fait l’un des plus jeunes récipiendaires de cette récompense. Afin de mieux connaître ce chef talentueux, ses aspirations et la liberté dont il dispose au sein du groupe Eurodisney, nous nous sommes entretenus avec lui.
Lors de la préparation de cet entretien, nous nous sommes aperçus qu’entre Disneyland Paris et le chef c’était déjà une longue histoire…
En effet à peine titulaire de son diplôme, un ancien de son école de cuisine est venu « recruter » pour EuroDisney qui ouvrait ses portes au même moment. P. GENELETTI saute le pas et signe un contrat à durée déterminée comme chef de partie au California Grill… déjà ! Il en gardera un très bon souvenir même si son contrat n’est pas renouvelé.
Pour l’heure, il se forme et voyage. Il pose d’abord ses valises chez Bernard LOISEAU, triple étoilé au destin malheureusement tragique. Puis il quitte la France pour rejoindre les États-Unis. Là encore, il apprend beaucoup. Assez peu en technique culinaire mais beaucoup en gestion et en ressources humaines. L’efficacité américaine n’est pas une légende.
De retour de Las Vegas (entre autres) et de son gigantisme en 2002, il enchaîne des missions courtes avant d’apprendre que Disneyland Paris cherche un chef pour le Manhattan, le restaurant de l’hôtel New York. Il va y rester jusqu’en 2008 avant de repartir vers d’autres cieux. Il est sollicité pour un projet ambitieux pas très loin de Marne la Vallée, à Barbizon : un hôtel de luxe avec un restaurant à l’avenant. La rencontre entre le chef et le directeur de l’hôtel se passe on ne peut mieux. Ils ont la même vision de l’avenir de l’établissement. Le résultat ne se fait pas attendre, l’établissement obtient une étoile l’année suivante en 2009.
Mais en 2012, le directeur s’en va et son successeur veut imposer une autre politique à l’établissement. Philippe GENELETTI décide alors de trouver d’autres fourneaux et c’est au California Grill qu’il rebondit en 2012. Eurodisney SCA qui veut que le Disneyland Hotel devienne un palace a besoin d’un chef prestigieux. Les deux destins se rejoignent de nouveau…
Ayant toujours entretenu d’excellentes relations avec la division restauration, il nous a indiqué être très heureux d’être revenu. Il connaît bien le Disneyland Hotel et ses pianos. Il apprécie son équipe dynamique et les lieux magnifiques.
Le problème du salariat, surtout dans la restauration, reste l’autonomie du chef. Sans liberté, il ne peut s’exprimer et c’est la raison pour laquelle beaucoup d’entre eux essayent de se mettre à leur compte très vite, pour justement ne pas avoir à en rendre des comptes…
Philippe GENELETTI, même s’il a créé une structure indépendante pour développer des concepts a toujours travaillé pour quelqu’un. Et il l’assure, au California Grill, il dispose d’une grande liberté. Il doit simplement s’adapter aux impératifs de la société : les changements de carte deux fois par an et surtout la centralisation des commandes de produits alimentaires pour tous les restaurants. Néanmoins, il bénéficie de produits quasi exclusifs sur le resort en raison des tarifs élevés de ses menus. En théorie, les achats étant centralisés, un chef d’un autre restaurant pourrait obtenir les mêmes produits. Mais le turbot, le homard ou encore le veau de lait ne sont présents que sur la carte du restaurant du Disneyland Hotel.
Autre signe de complicité, connaissant la grande inventivité du chef, la société lui a demandé de réfléchir à des plats dont on pourrait associer l’image aux classiques Disney. C’est ainsi qu’est né le dessert en forme de rose, rappelant directement la rose du film « la Belle et la Bête ».
Certes, en fonction de l’image de l’hôtel, il ne peut pas développer toutes ses idées et il le reconnaît lui-même, son équipe le modère afin de rester proche de la clientèle familiale des lieux. Ainsi, même s’il est adepte de la cuisine moléculaire depuis un bref passage dans le fameux restaurant El Bulli, on en trouve que peu de traces dans les menus.
Enfin, il a pu imposer quelques fournisseurs afin de bénéficier de produits d’exception. En effet, pour pouvoir fournir une grosse structure comme Disneyland Paris, il faut être capable de livrer de grosses quantités, ce que certains petits artisans ou agriculteurs ne peuvent faire en raison de leurs petites productions. Ainsi, il a la possibilité de servir des produits qu’on ne trouve habituellement que dans les trois étoiles. Il a aussi la garantie d’avoir à sa disposition tous les produits inscrits dans sa « liste », peu importe que les prix varient ou non. C’est important pour des crustacés comme le homard dont le prix grimpe en flèche au moment des fêtes de fin d’année…
Philippe GENELETTI est donc très heureux de ses conditions de travail et continue de faire évoluer son offre afin de satisfaire encore plus les papilles de ses hôtes.
Et comme l’expérience gastronomique repose également sur l’accompagnement des mets avec les vins, il a demandé à « Monsieur René » de lui obtenir quelques beaux flacons pour garnir la vinothèque du California Grill. C’est aujourd’hui chose faite. En particulier, la partie « Champagne » qui était un peu pauvre a été bien complétée avec l’apparition de nouvelles marques et de nouveaux produits. Néanmoins sur l’aspect œnologie, il manque encore un élément important : un sommelier. En interne, personne n’a les diplômes requis et la formation est longue. Mais ce poste devrait être pourvu très bientôt.
Après cet entretien très enrichissant, nous avons noté que la volonté de la société est bien de hausser le niveau du California Grill. Couplé à la montée en gamme du Disneyland Hotel, il est certain que ce n’est que le début de l’aventure et que Philippe GENELETTI, après avoir gouté aux joies de chef étoilé, voudra renouveler l’expérience.
De plus, la course aux restaurants gastronomiques adossés aux palaces faisant rage en France et à Paris en particulier, il est fort à parier que le Disneyland Hotel va encore évoluer vers le haut niveau, à l’image de ses homologues américains de Walt Disney World.
L’avenir s’annonce gourmand à Disneyland Paris…