Un article du journal économique « Les Echos » du 29 janvier nous apprend qu’Eurodisney Associés SAS (nouveau nom du gérant du Resort) négocierait en secret pour allonger encore la convention signée en 1987 et qui lui assure le développement d’une partie importante de la Seine et Marne. Pour le moment, elle dispose d’options sur les 2 230 hectares jusqu’en 2030. C’est loin… et court à la fois !
En effet, dans l’immobilier, il est difficile et absurde économiquement parlant de développer une telle surface en si peu de temps. Donc, comme régulièrement depuis 1987 (8 avenants déjà !), le groupe américain a sollicité une négociation pour repousser encore la date butoir à 2040.
Mais une opposition locale monte aux créneaux… En effet il faut savoir que cette convention lie directement l’État et la Walt Disney Company. A l’origine, et sans que cela ait été notablement modifié, les négociations se sont tenues uniquement entre ces deux entités. Charge ensuite à l’Etat français de faire redescendre les décisions au niveau local, via la région et les communes. Or, petit à petit, et à mesure que celles-ci ont vu leur importance augmenter en terme d’habitants et d’infrastructures, les élus ont demandé à être associés à des décisions les concernant au premier chef. Demandes rarement entendues même si des avancées ont parfois été obtenues. Mais les frictions restent courantes. On se souvient de « l’affaire de l’esplanade » qui s’est terminée devant les tribunaux…
Il faut remonter à l’origine de Disneyland Paris pour comprendre les raisons qui ont poussé à donner autant d’avantages à la Walt Disney Company. Tout le monde sait qu’il fallait attirer la firme à la souris et éviter qu’elle ne file s’installer en Espagne. Pour cela, de multiples avantages lui ont été accordés. Ceux qui nous intéressent aujourd’hui sont ceux touchant à la mainmise sur le développement immobilier. Elle a obtenu de gérer en direct l’aménagement sans consultation, en respectant un cahier des charges minimalistes fixé en accord avec l’État. Les Américains souhaitaient éviter à tout prix de se retrouver comme en Floride avec des concurrents directs trop proches. C’est ainsi que les hôtels ont été éloignés le plus possible du Resort et qu’aucun parc d’attraction ne pourra voir le jour dans le voisinage.
Mais très rapidement, le développement des résidences privées s’est fait au détriment du développement de l’immobilier d’entreprise, la destination n’étant pas très porteuse. La volonté affichée de l’Etat et la Région de faire de Marne la Vallée « le cluster du sud de l’Ile de France » s’est heurtée à un écueil de taille : on ne force pas les entreprises à s’installer quelque part !
Et depuis l’origine, ce retard n’a jamais pu être rattrapé. Alors que le nombre de logements sortis de terre a toujours dépassé les attentes, les emplacements commerciaux n’ont jamais fait le plein. Même à Val d’Europe, les emplacements de bureau ne sont pas tous occupés.
Et c’est là où le problème se pose pour les élus qui ont vu arriver une population nombreuse, jeune souvent, peupler leur commune. Avec comme conséquence une demande importante de nouvelles infrastructures (écoles, crèches, centre sportifs, etc.) qu’il a fallu financer. Comme dans le même temps la taxe professionnelle qui arrosait les communes de ses bienfaits a été supprimée, elles ont vu la manne d’Euro Disney disparaître. D’où une montée compréhensible de la grogne et d’un ras le bol d’être mis devant le fait accompli sans pouvoir s’y opposé d’une quelconque façon.
Mais la Walt Disney Company n’est pas disposé à lâcher trop de lest sur ce sujet. Car elle est assise sur un tas d’or. En effet, les options d’achat sont basées sur le prix de 1987 alors que les bâtiments construits sont vendu au tarif actuel, bien plus élevés ! Mieux, ils ne cessent de grimper depuis 30 ans. Alors inutile de se presser quand on sait que cela vaudra encore bien plus cher dans 10 ans. Ce n’était pas la moindre des raisons de l’éviction des minoritaires lors du rachat de 2017…
Dès lors les négociations sont serrées. En 2010, les communes avaient obtenu qu’une somme de 2 100 euros par logement soit versée aux communes pour participation aux équipements publics. Lorsque l’on sait que le prix du mètre carré se situe à 5 000 euros environ, on s’aperçoit que l’effort n’a pas dû être trop violent.
Des comités de suivi ont donc été remis en place entre la société américaine, la Région, des représentants de l’État et des élus locaux. Les plus pressés ne sont pas les promoteurs mais, néanmoins, un accord leur est nécessaire pour profiter à plein du gisement. Et les (fausses) menaces de ces dernières années sur un désengagement ne font plus peur, maintenant qu’un plan d’investissement de deux milliards a été annoncé lors de la rencontre au sommet entre Bob IGER et Emmanuel MACRON. Surtout que curieusement, malgré les annonces apocalyptiques de la direction début 2017, la situation économique du Resort s’est redressée. On peut s’attendre à des discussions beaucoup plus houleuses qu’en 2010 et il n’est pas sûr que la nouvelle présidente sorte de la séance de signatures du prochain avenant avec un sourire aussi resplendissant que celui que Philippe GAS arborait en 2010 lors de l’annonce de la prolongation…