Hier, nous vous avons amené au bout de l’Enfer avec Euro Disney. Aujourd’hui, nous vous invitons à nous suivre à travers la spectaculaire remontée de la société, faisant écho à la restructuration de 1994.
VI. D’Euro Disney à Disneyland Paris (1994-1999):
Avec l’affaire « Euro Disney », la Walt Disney Company fait désormais profil bas, et laisse Bourguignon mener la politique qu’il veut. Celle-ci passe d’abord par le fait de laisser plus d’initiatives aux Cast Members, sans qu’ils n’aient forcément besoins d’en référer à leur supérieur. Ainsi, chaque manager boutique sera responsable de cette dernière, chaque hôtel devra gérer ses factures impayées… Euro Disney devient comme une coopérative de 200 « Small Worlds » ce qui est totalement nouveau chez Disney.
La restructuration passe également par un plan social drastique, avec la suppression de près de 1000 emplois, en plus du non renouvellement d’une partie des démissionnaires, déjà acté depuis 1993.
A tout cela, il faut rajouter la poursuite de la politique de prix agressif, ainsi que la restructuration des prix des hôtels, boutiques et restaurants, mise en place par la Direction dès l’Été 1993.
La Direction compte également sur sa nouvelle politique de spectacles, renouvelés au rythme des saisons, ainsi que sur l’augmentation de près de 25% de sa capacité, assurée pour moitié par la construction de 10 nouvelles attractions entre 1992 et 1995.
Pour redorer l’image du parc, Bourguignon profite de la visite de l’ancien président Bush, en Juillet 1994. Il demande à celui-ci d’inviter François Mitterrand, pour un repas à l’Auberge de Cendrillon, l’un des restaurants gastronomiques du parc. Ce sera chose faite et le président français viendra ainsi visiter le parc pour la première fois. En plus de ce coup, il faut ajouter le départ de la dernière étape du Tour de France 1994, qui s’est fait depuis Main Street USA et qui a permis une large couverture médiatique du parc.
Enfin, la Direction espère que l’ouverture de la gare TGV de Marne-la-Vallée/Chessy, qui a eu lieu le 21 Mai 1994, permettra de ramener plus de visiteurs, notamment avec les futures liaisons Eurostar, qui seront mises en place prochainement avec l’arrivée du tunnel sous la Manche.
Vidéo de promotion de 1994/1995. Vous pourrez y découvrir l’ensemble des nouveautés issues du premier plan de relance (1992/1995) de 1 milliard de francs (152,5 millions d’€uro).
Côté financier, le 1 Juin 1994, la Direction annonce l’entrée au capital de l’entreprise, du prince Alwaleed ben Talal ben Abdulaziz al-Saoud, neveu du roi Fahd d’Arabie Saoudite. Le prince compte investir de 1 à 2 milliards de francs (152,5 à 305 millions d’€uro) dans la société, estimant que la crise que vient de traverser Euro Disney, était plus d’ordre ponctuel que chronique.
La restructuration financière de l’entreprise est approuvée par l’Assemblée Générale Extraordinaire du 8 Juin 1994, et elle est définitivement signée le 10 Août de la même année.
Les grandes manœuvres boursières commencent dès la signature officielle de la restructuration. 595 millions de nouvelles actions Euro Disney SCA sont émises. Comme prévu par les accords de 1987, TWDC en souscrit pour 49%, et les prêteurs souscrivent aux 51% restant. Parmi les prêteurs, USCB, la banque du Prince Al-Waleed, souscrit pour près de 114 millions d’actions.
L’argent dégagé par cette augmentation de capital (près de 5,8 milliards de francs, soit 884 millions d’€uro), permet comme prévu, de faire baisser la dette du groupe.
Le Prince Al-Waleed, premier investisseur individuel d’Euro Disney SCA, en nombre d’actions détenues.
En Octobre 1994, le Prince acquière près de 74,5 millions d’actions supplémentaires, auprès d’EDL Holding Company, la société qui détient les actions Euro Disney SCA, pour la Walt Disney Company. Cette opération a pour but de faire baisser la participation de TWDC de 49% à 39%. Le Prince se retrouve ainsi en possession de près de 24% des actions d’Euro Disney. Comme prévu par un accord, cette participation devra diminuer dans l’année, le Prince ayant promis de ne jamais monter à plus de la moitié de la participation de la maison mère (soit 19,5%).
En plus de cette participation, le Prince s’est également engagé à apporter à Euro Disney, un montant maximum de 560 millions de francs sur 3 ans, afin de développer et construire un centre de congrès, capable d’attirer le tourisme d’affaire, pour palier au manque de fréquentation en semaine.
Suite aux opérations boursières, l’action passe à 10 francs, prix convenu lors de la restructuration. Mais de fortes variations du cours, causé par des déclarations d’analystes anglais, qui jugent que le cours réel ne devrait pas être de 10F, mais de 1,6F, oblige l’AMF a suspendre la cotation du titre à plusieurs reprises.
Dans un souci de clarté et pour marier l’image de la marque Disney avec celle du glamour de Paris, capitale mondiale du tourisme, il est décidé un changement de nom du parc. Le 1er Octobre 1994, Euro Disney devient Disneyland Paris. Cette idée de débaptiser le complexe fourmillait depuis déjà quelques temps dans la tête de la Direction, mais c’est une rencontre entre Bourguignon et Gilbert Trigano (ancien patron du Club Méditerranée) qui précipite les choses. En effet, le nom de Disneyland Paris est une idée de cet homme. Les liens entre le Club Med et Euro Disney sont même plus fort qu’on ne le pense, puisqu’en plus du fait que Philippe Bourguignon deviendra plus tard le patron du Club Med, il était aussi question, en 1994, d’un rapprochement entre les deux entreprises. Mais cela fut rejeté par la Walt Disney Company, qui trouvait l’image du Club Med trop « sexy ».
En 1994, Euro Disney change de nom, pour devenir Disneyland Paris. La destination gardera cette appellation jusqu’en 2002, avant de la reprendre en 2009.
En Novembre 1994, les résultats de l’exercice 1993/1994 tombent. Comme prévu, c’est une nouvelle perte net d’1,8 milliards de francs (274,4 millions d’€uro), mais bien moins impressionnante que celle de l’année passée. Comme prévu par les accords de la restructuration, la Direction se donne 2 ans (c’est à dire, jusqu’à l’exercice s’achevant le 30 Septembre 1996) pour revenir à un résultat net bénéficiaire. Cette année là, la fréquentation attendra son plus bas historique, à 8,8 millions de visiteurs.
Vient enfin l’année 1995. Pour Philippe Bourguignon, c’est « l’année de la renaissance ». En effet, le 1 Juin 1995, est inauguré en grandes pompes, l’attraction la plus chère jamais construite à l’époque: Space Mountain, de la Terre à la Lune. Le projet Space Mountain de Tim Delanay n’est pas une nouveauté. Il aurait du faire partie des attractions du parc à l’ouverture de 1992. Mais l’envolée des coûts de construction de la Phase IA et son budget pharaonique de 650 millions de francs (99 millions d’€uro) provoqua son report à la phase IC (les développements du complexe allant de 1992 à 1997, dont l’enveloppe de 1 milliard de francs faisait partie).
Space Mountain n’est pas une attraction comme les autres. C’est la seule montagne russe au monde à utiliser un système de projection des trains, semblable aux lanceurs d’avions de chasse sur les portes avions. Mais l’attraction est aussi le premier « looper coaster » (montagne russe avec looping) à embarquer la technologie audio-synchronisée directement à bord des trains.
Le célèbre documentaire, Shoot for The Moon, de la BBC, retrace l’aventure fantastique de cette attraction, de sa conception à son ouverture:
L’attraction est directement inspirée du livre De la Terre à la Lune de Jules Verne, LE personnage représentatif de Discoveryland et apporte ainsi ce fameux côté culturel que le public français rechercherait tant. En complément, un parcours scénique mettant en scène le célèbre Nautilus de 20 000 Lieues Sous les Mers, est installé au pied de la « montagne de l’espace », qui ouvra quelques mois auparavant.
Bien plus qu’une attraction, Space Mountain est le projet qui a fédéré l’ensemble des Cast Members pendant les 3 ans de difficultés qu’a traversé le parc. Pour la promouvoir, la Direction finance même la tournée d’Elton John. En échange, le chanteur fera la promotion de Disneyland Paris et commencera ses concerts par la chanson « Rocket Man… » (l’Homme fusée). A cela s’ajoute l’énorme campagne de Pub TV pré et post ouverture:
* Publicité TV pré-ouverture.
* Publicité TV post-ouverture.
Le 31 Mai 1995, l’attraction est inaugurée en grandes pompes, devant un parterre de célébrités. Le journal de 20h de France 2 en a même fait un reportage à voir ici sur le site de l’ina.
Hommage à Jules Verne, Space Mountain de la Terre à la Lune est l’attraction la plus cher jamais construite à l’époque. La qualité, pour 650 millions de francs…
1995 était bien l’année de la renaissance. En effet, les résultats sont très bon. La fréquentation remonte de plus de presque 2 millions de visiteurs, à 10,7 millions. Le taux d’occupation des hôtels remonte à 68,5%, passant au dessus de la moyenne nationale en France et le résultat net est positif, à 114 millions de francs (17,4milliond d’€uro). La restructuration a donc porté ses fruits et la Direction est arrivée à remplir son objectif avec un an d’avance.
Durant les 6 exercices suivants (jusqu’en 2001), le résultat net ne repassera jamais dans le rouge, oscillant toujours entre 100 et 300 millions de francs (entre 15,25 et 45,74 millions d’€uro)
En 1996, pour palier à l’augmentation de la fréquentation, une campagne de recrutement de plus de 1000 personnes est lancée. C’est la première depuis 1992.
Fort de ces résultats, les accords et investissements reprennent petit à petit. Cela commence avec l’ouverture en 1996 du Cinéma Gaumont et du restaurant Planet Hollywood, à Festival Disney. Ces deux projets, d’un montant total de 150 millions de francs (22,9 millions d’€uro), sont tous deux financés par leur sociétés respectives, Disney ne faisant que louer le terrain. Pour l’occasion, Festival Disney change même de nom, et devient Disney Village.
En 1997, c’est le nouveau centre des congrès du Newport Bay Club qui ouvre ses portes, afin d’augmenter l’offre de tourisme d’affaire de la destination Disneyland Paris. Cet investissement, d’une valeur de 200 millions de francs (30,5 millions d’€uro) sera totalement financé par la Walt Disney Company, qui louera ensuite cet équipement à Euro Disney SCA par un crédit-bail.
En 1996, Festival Disney s’agrandit, avec Gaumont et Planet Hollywood. L’occasion de changer de nom, pour devenir le Disney Village!
Pour EPA-France, ces investissements marquent le début de la Phase II de la Convention de 1987 et certains projets commencent à ressortir des cartons. Mais chez le SAN-Val d’Europe, on s’inquiète de ne voir toujours rien venir. En effet, malgré les retombées fiscales non négligeables, les communes on investi à tel point que leurs équipements sont largement surdimensionnés. Alors qu’on espérait atteindre les 15 000 habitants sur le secteur en 1997, on peine à atteindre les 7500 habitants. Afin de ne pas devenir des cités dortoirs, le SAN décide de conditionner le développement urbain annoncé, au développement de l’activité économique du secteur. Sans cela, les communes menacent de refuser les permis de construire.
Alors que le parc se prépare à fêter ses 5 ans tout au long de l’année 1997, une nouvelle tombe comme un coup de massue: Philippe Bourguignon, PDG d’Euro Disney SCA depuis 4 ans, démissionne de ces fonctions, le 17 Février 1997, pour prendre la tête du Club Méditerranée. Il est remplacé par Gilles Pélisson, Directeur Général de Disneyland Paris depuis 1995 (il avait pris la place de Steve Burke, après le retour de ce dernier aux États-Unis). Pélisson n’est pas un inconnu dans le milieu du tourisme, puisqu’il est l’héritier d’Accor, le célèbre groupe hôtelier français (Etap’Hotel, Ibis, Mercure, Novotel…).
Afin de réduire les coûts, Pélisson lance une réorganisation interne. Toujours en conservant l’esprit des « Small Worlds » mise en place par la précédente direction, une organisation matricielle (Administration, Opération, Support Opérationnel) est mise en place parallèlement à l’organisation géographique (Parc, Hôtels, Disney Village). Cette opération se fera non sans soucis, puisqu’elle déclenchera des conflits sociaux entre 1998 et 1999.
Pour les 5 ans du parc, le château se pare d’une tenue de fou du roi… ou roi des fous!
Avec les 5 ans du parc, c’est tout un renouveau des spectacles et animations qui se met en place. Le château se pare d’un déguisement de fou du roi pour l’occasion, hommage au film Le Bossu de Notre-Dame des Studios Disney, inspiré de l’œuvre de Victor Hugo, sortie l’année précédente. C’est d’ailleurs l’ensemble des festivités des 5 ans qui rend hommage au roman de l’auteur français.
Cette année sera un véritable succès commercial, puisque malgré une augmentation des charges de 200 millions de Francs (30,5 millions d’€uro), le résultat net se maintient nettement dans le vert. La fréquentation sera record cette année-là, avec 12,8 millions de visiteurs et un taux d’occupation des hôtels à 78%. Et pourtant, c’est la première année où les prix seront légèrement repartis à la hausse, mais toujours sous la barre psychologique des 200F (30,5€) pour le billets d’accès adulte.
En 1998, la Walt Disney Company fête les 75 ans de sa création, ainsi que les 70 ans de Mickey Mouse. Pour l’occasion, le parc célèbrera « l’Année des Grands Classiques Disney ». Tout au long de cette année, de nouveaux spectacles viendront se jouer dans le parc, accompagnés d’événements saisonniers repris à l’année des 5 ans.
La Playlist Complète est disponible ici.
Une première depuis le début, Disney va jusqu’à vendre des vidéos de promotions chez les buralistes de toute la France.
L’un des plus gros changements, c’est celui de la Parade, avec l’arrivée de la « La parade du Monde Merveilleux de Disney ». En effet, c’est la première fois depuis l’ouverture, que le parc change de parade (malheureusement, celle-ci ne restera qu’une saison, avant de revenir en partie de 2003 à 2007).
L’autre gros changement, c’est le remplacement de l’attraction « Captain EO », qui ferme ses portes en Août 1998. Elle sera remplacée par « Chérie, J’ai rétréci le Public », qui ouvrira ses portes en Mars 1999, au moment du changement de saison.
Pour palier à l’augmentation de la fréquentation, de nouvelles campagnes de recrutement sont lancées à travers l’Europe. Cette nouvelle année se révèlera toujours aussi bonne pour l’entreprise, car malgré un léger tassement de la fréquentation (12,5 millions de visiteurs), l’ouverture du centre des congrès du Newport Bay Club permet de dépasser le taux de 80% de remplissage des hôtels. Cette année, le résultat net atteindra la somme record de 290millions de Francs (44,2 millions d’€uro).
La restructuration de 1994 a finalement porté ses fruits. L’entreprise semble désormais viable, mais la fréquentation commence à stagner. Alors, sous la pression des autorités françaises Gilles Pélisson annonce, le 29 Janvier 1999, le lancement de la tant attendu Phase II. La suite de l’histoire, Vendredi prochain.