C’est la grosse nouvelle qui agite toutes les communautés de fans de Star Wars, Disney et autres cinéphiles depuis déjà une semaine… le rachat par la Walt Disney Company de Lucasfilm Ltd, la société du réalisateur George Lucas, papa des franchises Star Wars et Indiana Jones, pour un montant de 4,05 milliards de dollars. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, la nouvelle maison-mère de Lucasfilm a annoncé la sortie d’un nouvel épisode, pilier d’une nouvelle trilogie, de la célèbre saga intergalactique, pour l’année 2015.
Chers lecteurs, nous vous proposons donc de faire un point complet sur ce rachat, à travers notre dossier spécial, comprenant un historique et une analyse de tous les tenants et aboutissants qu’ils impliquent.
Disney, ou la malédiction du « à côté »
Malgré le fait que certains considèrent qu’ils sont incompatibles, les deux groupes évoluent dans un domaine d’activité similaire, l’entertainment, c’est à dire le grand divertissement tout public et ses multiples déclinaisons. L’histoire d’amour entre Disney et Lucas n’est d’ailleurs pas nouvelle, et remonte quasiment au fondement même de la société de l’oncle George. En effet, tout comme James Cameron avec son Avatar, Disney était le premier choix de studio de Lucas, lorsqu’il s’est lancé dans ce qui sera la plus grande œuvre de sa vie, la réalisation de son space opera, La Guerre des Étoiles. Et tout comme Cameron, Lucas essuya un refus de la part de l’oncle Picsou; c’est finalement la 20th Century Fox qui reprendra le projet, dans les deux cas.
Malheureusement, mauvaise pioche pour Disney, puisqu’aussi bien Star Wars qu’Avatar, deviendront les plus gros succès cinématographiques de leur temps. La Souris n’est cependant pas mauvaise perdante, puisqu’elle saura prendre sa revanche, en s’associant à posteriori aux créateurs des deux univers, afin d’en développer la substantifique moelle au sein même de ses parcs à thèmes, pour en faire des attractions inoubliables.
Disney et Lucas… un long dimanche de fiançailles
En effet, après ce premier rendez-vous manqué avec le destin, Disney s’est mis à courtiser George Lucas. La première collaboration effective entre les deux remonte au début des années 1980, lorsque la filiale « image de synthèse » de Lucasfilm, une certaine société Pixar, travailla sur une partie des effets spéciaux du film Tron. Sorti en 1982, le film ne trouvera pas son public immédiatement, mais deviendra l’un des piliers de la culture geek à partir des années 1990.
La seconde collaboration, cette fois plus fructueuse, intervient au milieu des années 1980, lorsque Disney lance la production d’un court-métrage en 3D-stéréoscopique, le célèbre film Captain EO. Mettant en scène la star mondiale de la pop music, Michael Jackson, et réalisé par le talentueux Francis Ford Coppola, Captain EO est une aventure spatiale, évoluant dans un monde où les codes esthétiques ressemblent furieusement à ceux de Star Wars. Et ce n’est pas un hasard, puisque le scénariste et producteur de cette odyssée n’est autre que George Lucas lui-même. Et bien entendu, nous retrouvons les artistes d’Industrial Light & Magic (ILM), la société d’effets spéciaux de Lucasfilm, derrière l’ensemble des FX de ce film.
Ouverte dès 1986 dans les deux resorts Disney américains, l’attraction sera un succès critique et populaire. 26 ans plus tard, Captain EO est toujours en service dans les parcs du groupe (certes, après une absence d’une dizaine d’années dans les années 2000).
À la suite de ce succès, la collaboration entre Disney et Lucas se poursuit, avec cette fois-ci, la création d’une attraction véritablement centrée sur la franchise Star Wars. Mais comment rendre la chose aussi palpitante que ne le sont les films? Tout simplement en amenant les voyageurs directement vers cette galaxie lointaine… très lointaine, grâce à un système de cinéma dynamique, plus communément appelé simulateur de vol.
Ainsi, grâce aux talents combinés d’Imagineering et d’ILM, Star Tours voit le jour en 1987, à Disneyland Anaheim. Tout comme Captain EO, la nouvelle attraction est un véritable succès dès son lancement, et des clones de celle-ci voient le jour dans tous les resorts Disney.
Les années passant, et avec l’avènement de la Prélogie (épisodes I à III), l’attraction, bien que toujours autant populaire, se faisait vieillissante. Après des premières rumeurs ayant circulé en 2001/2002, c’est finalement en 2011 qu’apparaît la première et plus grosse mise à jour de l’attraction, avec Star Tours : The Adventures Continue. Au programme, de nouvelles destinations aléatoires, de la 3D-stéréoscopique, une modernisation des cabines et de leur système de mouvements… le tout, orchestré encore une fois par les magiciens d’ILM et d’Imagineering.
Outre Star Tours, le flirt entre Disney et Star Wars atteint tous les ans son paroxysme, avec la tenue des Star Wars Weekends, aux Disney’s Hollywood Studios de Walt Disney World en Floride. Véritable institution pour les fans de la franchise depuis 1997, ces week-ends sont l’occasion de rencontrer des acteurs ayant participé à l’aventure, et de participer à des activités exceptionnelles, comme la Jedi Academy, qui permet aux plus jeunes d’affronter le maléfique Darth Vader.
Mais l’histoire entre Lucasfilm et Disney ne s’arrête pas à Star Wars, car une autre célèbre franchise du studio de tonton George, bénéficie d’un traitement d’ampleur, et bien plus diversifié que Star Wars, au sein des parcs de l’oncle Picsou. Je veux bien entendu parler du plus célèbre des archéologues, Indiana Jones.
En effet, la franchise Indiana Jones se décline dans les parcs Disney, non pas au travers d’une attraction, mais bien au travers de trois. La première à voir le jour en 1989, c’est Indiana Jones Epic Stunt Spectacular, aux Disney’s Hollywood Studios de Walt Disney World. Il s’agit d’un spectacle de cascades, reconstituant les coulisses de la production du premier film de la franchise, les Aventuriers de l’Arche Perdue.
La seconde à apparaître, cette fois en 1993, c’est Indiana Jones et le Temple du Péril, au Disneyland Park de Disneyland Paris. Ici, le film pris pour exemple est très clairement le second volet des aventures de l’archéologue, avec une attraction de type grand huit, dont la course de wagonnets rappelle furieusement la fin du Temple Maudit. A noter que cette attraction marque une révolution pour Disney, puisque c’est la première à comporter une inversion de type looping.
Enfin, la troisième attraction à venir au monde, en 1995, est Indiana Jones Adventure: Temple of the Forbidden Eye. Si ici, l’aventure reprend des passages des deux premiers films, le côté inédit de la chose provient de sa technologie de type EMV (Enhanced Motion Vehicle), c’est à dire un véhicule de type Dark Ride, mais monté sur vérins hydrauliques. Cela donne une expérience unique, à mi-chemin entre un simulateur à la Star Tours, et une course folle à la Big Thunder Mountain, le tout dans un environnement aussi riche, sur le plan de la thématisation, que peut l’être un Pirates of the Caribbean. Cette troisième attraction bénéficiera même d’une nouvelle version, avec Indiana Jones Adventure: Temple of the Crystal Skull, adaptation japonaise, qui n’est pas sans rappeler le quatrième volet de la saga… bien que l’attraction soit antérieure au film sur le Royaume du Crâne de Cristal.
Outre les collaborations, nous avons également les clins d’œil de la Souris à l’univers Star Wars. Le plus connu et plus célèbre reste probablement celui de Toy Story 2, film de Pixar, ancienne filiale de Lucasfilm, devenue indépendante dans les années 1980 avant qu’elle ne se mette à travailler en très étroite collaboration avec Disney, jusqu’à ce que ce dernier se décide à la racheter en 2006. En effet, dans Toy Story 2, la relation entre les personnages de Buzz l’Éclair et de l’Empereur Zurg, n’est pas sans rappeler celle liant Luke Skywalker et Darth Vader. Et c’est sans parler des résonances amusantes entre les noms des personnages sus-cités de ces deux franchises, dans leur version originale.
En restant dans les films, mais pour rester dans la collaboration entre Studios, il est à noter qu’ILM est également responsable des effets spéciaux de nombreux films Disney, notamment ceux de la franchise Pirates des Caraïbes, adaptation sur grand écran de l’attraction éponyme… ou quand la réciproque à l’équation Star Wars => Star Tours se vérifie.
Lucasfilm, une société aux multiples visages
Studios, films et franchises, effets spéciaux et sonores, jeux vidéos, attractions, merchandising… ceux-ci ne sont que quelques exemples des activités que l’on retrouve sous la bannière de Lucasfilm. Car derrière la société de production créée par George Lucas pour permettre la réalisation de ses films, se cache un véritable mastodonte d’Hollywood et de l’entertainment. En effet, les films en eux-même (essentiellement l’exploitation du catalogue déjà existant, au travers des droits de diffusions TV et des ventes de DVD/Blu-Ray) ne représentent que 35% du chiffre d’affaires de Lucasfilm. Le reste provient d’ailleurs.
Et c’est justement cet ailleurs qui est le plus important, et qui va notamment permettre à Disney de réaliser de monumentales économies d’échelle dans la production de ses futurs blockbusters, tout en empochant de l’argent de ses concurrents. 30% du chiffre d’affaires de Lucasfilm proviennent de ses filiales ILM et Skywalker Sound. Ces deux sociétés sont parmi les leaders dans leur domaine respectif, à savoir les effets spéciaux, et les effets sonores. À ce titre, elles ont de nombreuses fois été nommées, et même primées, pour leur travail sur plusieurs films. Nous pouvons notamment citer, outre Star Wars, la franchise Jurassic Park, Harry Potter, Terminator, Transformers, le film E.T l’Extra-Terrestre ou bien encore Forrest Gump, sans oublier les derniers films de Marvel.
Enfin, les derniers 35% restant de chiffre d’affaires proviennent du merchandising, dont celui de LucasArts, la filiale de création de jeux vidéos de Lucasfilm. Le merchandising, c’est justement l’une des pierres angulaires du succès de George Lucas. Il fut notamment le pionnier, dans le milieu du cinéma, à développer cette technique commerciale ultra-agressive mais très efficace pour installer une franchise ou un film dans l’inconscient collectif. Les techniques de Lucas ont fortement inspiré les grandes majors d’Hollywood dans les années 1980, afin de mieux vendre leurs nouvelles productions… mais Disney reste probablement le meilleur des élèves, essentiellement parce que le groupe possédait déjà une culture de la vente de ses produits, grâce à ses parcs à thèmes.
Disney, une croissance basée sur les rachats
Un groupe s’appuyant grandement sur les adaptations:
Depuis les débuts de ses « chefs d’œuvres », le développement et la croissance des Studios de Disney se basent sur un principe maître: l’adaptation. En effet, très peu sont des créations originales propres à Disney, et cela même à l’époque du fondateur Walt. Aujourd’hui, bon nombre de personnages que l’on considère comme des personnages Disney, furent en réalité créés par d’autres artistes. Des adaptations de contes, en passant par Alice (au pays des Merveilles), Peter Pan, les 101 Dalmatiens, Winnie l’Ourson, Mary Poppins, Basil (détective privé), Tarzan, et bien d’autres encore, tous furent imaginés par d’autres, avant d’être sublimés par les équipes de Disney.
Avec les années 1980, le Studio traverse une grande période de trouble. Pour éviter son rachat et son démantèlement par des sociétés financières, elle n’a d’autres choix que d’embrasser son destin, et de devenir elle-même un conglomérat de médias de masse. Les Walt Disney Productions deviennent donc la Walt Disney Company, et après avoir repris assez d’ascendant, débutent leur lente croissance, d’abord par la création de nouvelles filiales dans les années 1980 (Disney Channel, Touchstone et Hollywood Pictures), puis par des acquisitions dès le début des années 1990.
Miramax (1993-2010):
e premier de ces rachats intervient en 1993. A l’époque, la grande tendance est de produire des films dits « indépendants », et tous les grands studios historiques se mettent à en racheter des plus petits. La Walt Disney Company n’échappe pas à la règle, et se paye alors Miramax Films, la société de production des frères Weinstein, pour 19 M$. Mais le rachat ne signe cependant pas le départ des créateurs, puisque les Weinstein resteront à la tête de Miramax jusqu’en 2005. Durant leur collaboration de 12 ans, Disney et les Weinstein offriront bon nombre de films cultes, dont tous les Tarantino jusqu’à Kill Bill vol.2, Shakespeare in Love, la saga Scream… et sa parodie Scary Movie, Chicago, Gangs of New-York… autrement dit, des films qui n’ont absolument rien à voir avec le cliché de « comédie musicale fleur bleue » qui colle à la peau du groupe depuis le creux des années 1980.
En 2005, un différent éclate entre les Weinstein et Disney… ou plutôt, le PDG du groupe de l’époque Michael Eisner, alors en fin de règne lui aussi. Après des discussions, les deux frères quittent finalement Miramax et Disney « à l’amiable ». Miramax survivra encore 5 ans dans le giron du groupe, mais les films qu’ils produisent ont moins la côte qu’avant. Disney décide alors de se séparer de sa filiale, qui est finalement revendue 663 M$ en 2010.
American Broadcasting Company – ABC (1996 – actuellement) et autres médias télévisuels (2001 – actuellement):
En 1996, la Walt Disney Company se lance dans la plus grosse opération de rachat qu’elle n’aura plus jamais à gérer jusque là, et qui fera de l’entreprise, un véritable mastodonte des médias, celle du groupe ABC, l’une des 4 grandes chaînes historiques américaines, pour un montant de 19 milliards de dollars.
ABC et Disney, c’est un peu comme Lucasfilm et Disney, c’est à dire une longue, même très longue histoire d’amour, qui là aussi a débuté avec les parcs à thèmes. En effet, lorsque Walt Disney se lance dans son projet fou de créer un Disneyland à Anaheim en Californie, aucune banque ne veut le suivre sans un garant solide. Pour financer son projet, il fait donc appel à toutes les bonnes volontés, et c’est ABC qui y répond. La chaîne, qui entre alors au capital du parc, financera presque 30% de la construction de celui-ci. En échange, Disney produira une émission pour la chaîne: Disneyland, qui deviendra Walt Disney Present, puis Walt Disney’s Wonderful World of Color, avec l’avènement de la couleur à la TV. La collaboration continue entre les deux groupes, puisque Disney produira une seconde émission pour ABC, le célèbre Mickey Mouse Club, ainsi que la série culte Zorro. Mais la fin du contrat liant Disney et ABC, et le rachat des parts de Disneyland par la maison-mère, entraînent la fin de la collaboration entre les deux groupes.
Il faudra ainsi attendre 1996, et le rachat d’ABC par Disney, pour que les deux groupes soient à nouveau liés, cette fois de façon définitive. Avec ABC, Disney n’acquiert pas seulement une chaîne, mais bien un groupe de médias dans son ensemble, soit 11 chaînes de télévision (dont ESPN, la grande chaîne de sports), 21 stations de radio, des parts dans d’autres groupes télévisuels, ainsi que des centaines de titres de presse à travers les États-Unis.
Aujourd’hui, Disney a essentiellement conservé les chaînes de télévisions et les moyens de production, soit le cœur de métier d’ABC. Les radios et titres de presse furent vendus à d’autres dans les années 2000. Depuis l’ère Disney, ABC produit de nombreuses séries à succès, dont Alias, Desperate Housewives, Lost, Grey’s Anatomy, Once Upon A Time, Castle, Modern Family… et bien d’autres encore.
Pour rester dans la télévision, en 2001 Disney poursuit son implantation dans ce secteur. Ainsi, après ABC, le groupe rachète Fox Family Worlwide, maison-mère des chaînes câblées Fox Life et Fox Kids, à la News Corporation et à Saban (le papa des Power Rangers, dont Disney acquiert les droits par la même occasion), le tout pour un montant de 5,3 milliards de dollars. Avec le rachat, les chaînes changent de nom, mais pas d’orientation. Fox Life devient ABC Family, et est une chaîne de « replay » d’ABC, tout en produisant cependant certaines séries propres à la chaîne comme Greek, Kyle XY, ou bien encore Pretty Little Liars. Fox Kids connaît par contre une histoire un peu plus agitée, puisqu’après être devenue Jetix, elle changera complètement d’orientation en 2010, suite à la revente du catalogue Saban à son créateur, pour devenir Disney XD, version pour adolescents masculins de Disney Channel, qui elle se tourne plus vers des programmes pour filles. Disney XD deviendra par ailleurs le canal de prédilection des productions animées Marvel, suite au rachat par Disney… mais ça, nous le verrons un peu plus loin.
Pixar Animation Studios ( 2006 – actuellement):
Après la télévision, Disney se recentre sur des achats plus en lien avec son cœur de métier, à savoir la production de films d’animation. C’est ainsi qu’en 2006, le groupe rachètera Pixar Animation Studios, pour un montant de 7,4 milliards de dollars. Là aussi, l’histoire entre les deux groupes est ancienne, et les relations, parfois tumultueuses, faillirent s’achever en divorce plutôt qu’en mariage. Pixar, c’est d’ailleurs le lien ultime entre Disney et Lucasfilm, puisque le studio est un peu l’enfant illégitime des deux groupes.
En effet, le studio d’animation fut créé en 1979, sous le nom de Graphics Group, la division informatique de Lucasfilm. L’un des premiers projets de « Pixar », fut d’ailleurs de travailler sur une partie des animations du film Tron, de Disney, qui était le premier long métrage à faire appel à de l’infographie. Graphics Group était alors plus une entreprise de recherche qu’un studio de production.
En 1986, George Lucas, en proie à des problèmes financiers (divorce, baisse du merchandising Star Wars, flop du nouveau film produit par Lucasfilm) est contraint de vendre Graphic Group à Steve Jobs, tout fraîchement débarqué d’Apple, et en recherche d’une nouvelle compagnie spécialisée dans l’informatique. L’ancienne filiale de Lucasfilm change alors de nom et devient Pixar, du nom de l’ordinateur que produit alors l’entreprise, le Pixar Image Computer. En effet, à cette époque, l’animation n’était qu’une composante mineure de Pixar, le plus gros de l’entreprise étant la conception et la fabrication de matériels informatiques. L’animation était essentiellement là pour promouvoir les capacités du matériel, montrer ce qu’il était capable de produire. Disney était d’ailleurs l’un des plus gros clients de Pixar, le studio cherchant alors à moderniser et faciliter la technique de fabrication d’un film d’animation.
Mais au début des années 1990, la santé financière de Pixar est au plus mal. Le groupe décide alors d’abandonner complètement son cœur de métier, pour se concentrer uniquement sur la production de contenu animé. Là aussi, Disney a grandement contribué à cette mutation, en signant en 1991, dès la restructuration financière de Pixar achevée, un contrat de distribution exclusive pour les trois premiers films produits par le studio. Quatre ans plus tard, le premier film de Pixar déboule sur les écrans, et est un véritable succès, aussi bien public que critique. Toy Story devient alors l’un des films d’animation les plus rentables de tous les temps, et se classe comme le plus gros succès de l’année 1995. Dans la foulée, Disney signe alors avec Pixar un second contrat, portant sur la coproduction de 5 films supplémentaires, en plus des 3 initialement prévus, et acquiert 5% du capital du studio.
Mais des points de désaccords commencent à émerger entre les deux groupes, notamment sur Toy Story 2, initialement destiné à sortir directement en vidéo, et que Disney considérait ne pas faire partie du contrat. La tension retombe finalement, mais de façon provisoire. En effet, en 2004, à l’approche du terme du contrat, Pixar souhaite une renégociation de celui-ci, mais plus avantageuse. En effet, même si les coûts de production et les bénéfices étaient partagés à 50%, les créations originales de Pixar tombaient elles dans le giron de Disney, sans contreparties. Durant toute cette année 2004, les relations entre les deux studios vont s’envenimer, au point que Steve Jobs, alors PDG de Pixar, déclare publiquement à la presse, être en recherche d’un nouveau studio partenaire. En réponse, Disney annonce de son côté la création de son propre studio de films d’animation par ordinateur. Ces désaccords sont essentiellement du fait du PDG de Disney de l’époque, Michael Eisner, alors en fin de règne. Comme vu précédemment, cela correspond également à la période de brouille au sein de Miramax.
Cependant, le départ de l’ancien président, et l’arrivée de Robert Iger, ex-PDG d’ABC à la tête de Disney, changent la donne, et les négociations reprennent courant 2005. Et celles-ci aboutissent à quelque chose de plus gros qu’un simple contrat de distribution, puisque Disney finit par racheter Pixar début 2006, pour 7,4 milliards de dollars, dont la moitié en action Walt Disney Company, faisant ainsi de Steve Jobs, le premier actionnaire individuel de Disney. Mais ce rachat ne signifie par pour autant la fusion pure et simple de Disney et Pixar. En effet, l’une des conditions préalables à cette acquisition, était que Pixar conserve une certaine indépendance, notamment dans la gestion du personnel, et du processus créatif de ses films. Si les têtes dirigeantes sont désormais communes entre Walt Disney Studios Animation et Pixar Animation Studios, il n’empêche que les deux entités conservent les spécificités qui leur sont propres. Ceci est principalement garanti, par la nomination des anciens de chez Pixar, à ce poste stratégique pour le groupe, puisqu’il correspond à son cœur de métier, les films d’animation.
Marvel Entertainement (2009 – actuellement):
Dans la catégorie des rachats effectués par Disney, celui qui a fait autant de bruit que celui de Lucasfilm, c’est probablement celui de Marvel Entertainement. En Août 2009, Disney annonce à la surprise générale, qu’elle rachète Marvel pour 4,3 milliards de dollars. La grande mode de cette fin des années 2000, ce sont les films de super-héros, et grâce à cela, les concurrents de Disney font énormément de profits. Mais plutôt que de se payer une simple licence et de l’adapter, comme l’ont fait la Fox ou Paramount, Disney décide de suivre la voie déjà tracée par Time-Warner, acheter directement un éditeur de Comics, et ainsi acquérir l’ensemble de ses licences. Le choix n’est cependant pas énorme pour Disney, DC Comics, la maison-mère de Batman, Superman ou Wonder Woman étant déjà dans le giron de son concurrent. Ce sera donc Marvel, l’autre gros éditeur de comics, et concurrent éternel de DC, qui sera choisi par Disney.
Ce rachat fut un véritable coup de maître pour Disney, car outre la popularité supérieure des héros Marvel auprès du public, l’entreprise dispose également d’une situation économique saine, et ce grâce au cinéma, alors qu’elle était déclarée en faillite dans les années 1990. De plus, Disney met ainsi bon nombre de ses concurrents dans l’embarras, en récupérant des droits sur des films et des licences qu’ils avaient eux-même produites. En somme, les concurrents déboursent, mais c’est Disney qui encaisse une partie des bénéfices, sans rien investir. On retrouve ce cas sur les licences cinématographiques Spider-man et X-Men, obligeant ainsi respectivement Sony et la 20th Century Fox à produire des films sur ces deux licences, s’ils ne veulent pas perdre les droits d’utilisation cinéma. La pilule sera encore plus amère pour Universal, qui a développé tout un secteur de son second parc à thèmes floridien sur les héros Marvel, et qui va devoir, outre payer un droit d’utilisation à Disney jusqu’à expiration du contrat de licence, procéder à une refonte complète de cette partie du parc.
Pour revenir à Disney, en intégrant Marvel dans son giron, le groupe met ainsi la main sur près de 5 000 personnages différents, et de nombreuses franchises à succès, tel Spider-Man, X-Men, Iron Man, Hulk, Thor ou bien encore Captain America. Mais outre les franchises, Marvel c’est aussi un savoir faire dans l’édition de comics et dans le merchandising, chose dont Disney est très friand, afin de nourrir les boutiques de ses parcs.
Ainsi, il y a 3 ans, ce rachat a fait grincer par mal de dents, notamment chez les fans de Marvel, qui craignaient une « mickeysation » de leurs héros. Mais force est de constater que trois ans plus tard, toutes les craintes se sont envolées, et que tout comme Pixar, ABC, ou même Miramax en son temps, la nouvelle filiale a conservé et son indépendance, et son équipe dirigeante, qui a fait le succès de la marque ces dernières années. Pour preuve, le récent succès de The Avengers, 3ème plus gros chiffre d’affaires de tous les temps pour un film hollywoodien, alors que tous les producteurs pensaient que c’était complètement inadaptable. Ceci était peut-être vrai du temps de la dispersion des licences, mais une fois toutes sous le même toit, et avec la puissance financière de Disney derrière, la chose fut finalement plus facile.
Un mariage prévisible?
Au vu de tout cela, que dire donc de cette union entre la Walt Disney Company et Lucasfilm? La conclusion semble assez simple, et même s’il en a surpris plus d’un, ce mariage de raison était prévisible. Tous les indices semblaient converger vers cette éventualité, et ce depuis des années. La chose qui est assez inexplicable, c’est donc cette surprise provoquée par ce rachat, et non le rachat en lui-même.
Dans le cas de Lucasfilm, nous sommes dans une configuration-hybride entre celle de Marvel et celle de Pixar. Sur l’opération de rachat en elle-même, c’est le même fonctionnement que pour celle effectuée en 2006 sur Pixar. Ainsi, sur les 4 milliards de dollars que coûtera cette acquisition, la moitié se fera en actions Disney, faisant de George Lucas, le nouveau premier actionnaire individuel de la Walt Disney Company.
Sur le plan de la gestion, on se rapproche de ce qui s’est fait avec Marvel, avec une équipe dirigeante qui reste en place, et des projets déjà lancés qui se poursuivront. Car oui, ce nouveau volet de Star Wars a été lancé il y a déjà presque un an, et dans le plus grand secret. Disney n’a fait que le révéler au moment du rachat. Les acteurs principaux de la première trilogie, à savoir Mark Hammil et Carrie Fisher, étaient au courant de l’intention de Lucas de poursuivre la saga depuis déjà quelques mois.
Comment donc expliquer cette vague d’émoi qui en a perturbé plus d’un ces derniers jours? Probablement parce que la franchise Star Wars possède déjà une communauté de fans, et que celle-ci est ancienne. Cette communauté est d’ailleurs assez particulière, et dans les grandes lignes, elle se rapproche grandement de la communauté des fans Disney, avec ses dissensions à jamais irréconciliables… dont elle est désormais, bon-gré mal-gré une composante indissociable, au même titre que les fans de Marvel.
Ce rachat de Lucasfilm, c’est donc une chance pour la franchise Star Wars, et les autres franchises de cette entreprise, de survire et se poursuivre, bien après la mort de leur créateur. Car si certains craignent la « mickeysation » de Star Wars, il serait bon de rappeler que Lucas n’a pas attendu Disney pour rendre ses films plus « enfantins », avec des personnages comiques. Au contraire, le départ progressif de son créateur, c’est probablement l’occasion de donner une nouvelle maturité à la saga, les parents étant en fin de compte, toujours protecteurs avec leur enfant.
Celui qui résume le mieux le fait que cette peur soit infondée, c’est Jean-François Camilleri, président de The Walt Disney Company France, dans une interview à nos confrères des Numériques: « Si on fait l’acquisition de Star Wars, c’est parce que Star Wars est culte. Le changer, le disneyiser, serait suicidaire. ».
Concernant l’avenir, je suis personnellement prêt à parier que Disney ne s’arrêtera pas là dans sa conquête du pouvoir mondial de l’Entertainement. Certains risquent encore d’être surpris par les opérations qui seront menées dans le futur. C’est comme si, à chaque fois, ils semblaient oublier que ce sont toutes ces actions, qui font qu’aujourd’hui, la Walt Disney Company est le dernier grand studio de l’âge d’or Hollywoodien à être encore indépendant. C’est en devenant par lui-même un conglomérat de médias de masse (dont il reste désormais le seul représentant), qu’il a su rester un groupe à part, dans lequel la famille de ses créateurs, Walt et Roy Disney, bien que n’étant plus aux postes décisionnels de premier ordre, garde toujours un oeil sur le devenir de cet héritage familial, bientôt séculaire.