« Il y a bien longtemps, dans un lointain pays de l’extrême orient, un vieux couple de paysans qui vivaient heureux dans la montagne. Ils n’avaient qu’un seul regret, celui de ne pas avoir eu d’enfant. Un jour, le vieil homme trouva un bébé à l’intérieur d’un tronc de bambou. Subjugué par la beauté de cette mystérieuse enfant, cadeau des cieux, le vieil homme et sa femme décidèrent d’adopter la petite fille.»
Ainsi commence l’histoire du Conte de la Princesse Kaguya, dernier film des Studios Ghibli, et du réalisateur Isao TAKAHATA, adapté du plus ancien conte japonnais, « le conte du coupeur de bambou ». On est allé découvrir pour vous ce récit onirique et poétique.
Il est des histoires qui mettent du temps à voir le jour sur grand écran. Dans la tradition japonaise, « le conte du coupeur de bambou » est tout aussi connu que peuvent l’être les contes de Grimm ou de Perrault en Occident. Et malgré le fait qu’il s’agisse de l’une des plus vieilles histoires connues du Pays du Soleil levant, celle-ci n’avait jusque là pas encore été portée à l’écran.
À l’image de certains Disney, qui ont vu des années avant de voir le jour entre le premier projet et le film qui en ressort, c’est à la fin des années 50 qu’un premier projet d’adaptation de ce conte japonais voit le jour. À l’époque, le jeune Isao TAKAHATA (la série animée Heidi, le film Le Tombeau des Lucioles) avait participé au concours, mais son idée n’avait pas été retenue. Il aura fallu attendre le milieu des années 2000 pour que le co-fondateur du Studio Ghibli retrouve la jeune Kaguya, et encore huit longues années de gestation pour qu’il nous livre son ultime chef-d’œuvre, son dernier film d’animation en tant que réalisateur.
Il était une fois un vieux couple qui habitait un petit village niché au cœur de la forêt japonaise. Le vieil homme cultivait et taillait du bambou. Le couple était assez pauvre, mais vivait heureux. Ils avaient cependant un regret : ils n’avaient jamais pu avoir d’enfant. Chaque soir, ils priaient en espérant qu’un miracle se produise.
Un jour, alors qu’il s’enfonçait dans la forêt, le vieil homme vit une pousse de bambou qui luisait d’un éclat étrange. À sa grande stupéfaction, il découvrit à l’intérieur du tronc … un bébé !
Il ramena le bébé chez lui et le montra à sa femme. Il s’agissait d’une adorable petite fille. Ils l’accueillirent dans leur modeste foyer comme un don du ciel et la nommèrent Princesse Kaguya.
Le temps s’écoula, la maisonnée était heureuse. Kaguya devint rapidement une enfant, puis une adolescente superbe. Bientôt de nombreux jeunes hommes vinrent présenter leurs demandes en mariage. Pourtant, la princesse Kaguya les refusait toutes. Cinq d’entre eux se montrèrent même particulièrement insistants. Pour se débarrasser d’eux, la princesse Kaguya leur promis d’épouser celui qui réussirait à ramener en premier un objet de grande valeur. L’empereur lui-même finit par entendre parler de cette étrange jeune femme, aussi belle qu’intelligente, mais qui refusait de se marier. Il se déplaça en personne et en tomba amoureux au premier regard.
Mais les soirs de pleine lune, le visage de Kaguya se couvrait de mélancolie. Elle finit par expliquer son étrange conduite à ses parents adoptifs, ainsi que son histoire. Kaguya était réellement une princesse. Mais pas une princesse terrienne. Elle était née sur la lune et devait y retourner…
Adaptant fidèlement « le conte du coupeur de bambou », Le conte de la Princesse Kaguya se place volontairement du point de vue de l’héroïne, afin d’appréhender plus en profondeur les sentiments tourmentés qui l’habite. En effet, là où le conte ne faisait que survoler certains aspects de l’histoire, notamment la psychologie des personnages, le film profite de sa durée pour bien poser les bases de l’histoire, et mieux comprendre les origines célestes de Kaguya.
Avec sa multitude de personnages, le film trouve tout de même le moyen de se centrer sur un quatuor principal.
La Princesse Kaguya est une jeune fille à la fois joyeuse, vivante, brillante, tout en dissimulant au plus profond d’elle une mystérieuse mélancolie. C’est une véritable amoureuse de la nature, et surtout de la vie. Même si elle se plie aux décisions de son père adoptif, son intelligence lui permet de constamment déjouer celles-ci.
Pour entourer la Princesse Kaguya depuis sa naissance, nous retrouvons un couple de personnages indissociables l’un de l’autre, le vieil homme et la vieille femme, les parents adoptifs de la jeune fille. Les deux personnages ont des caractères diamétralement opposés : là où lui est un véritable hystérique autoritaire et compulsif, elle est une femme sage, ouverte et réfléchie.
Enfin, bien que présent principalement lors des jeunes années de Kaguya, mais influençant inlassablement les choix de la Princesse, Sutemaru est un jeune paysan, amour secret de Kaguya.
Parmi les autres personnages gravitant autour de ce quatuor, nous retrouvons la servante et la préceptrice de la Princesse Kaguya, les multiples prétendants de la jeune fille, et les petits frères de Sutemaru. Ces personnages gravitent autour Kaguya aux différentes étapes de sa vie : son enfance, son adolescence, et sa vie de jeune femme.
La beauté onirique du film passe au travers de deux éléments primordiaux : l’animation et la musique. Pour cette dernière, c’est le compositeur Joe HISAISHI (compositeur attitré de Hayao Miyazaki, avec Nausicaä de la vallée du vent, Princesse Mononoké , Le Voyage de Chihiro ) qui s’est penché sur la partition, nous livrant une bande originale à la fois joyeuse, douce et mélancolique, comme le caractère de la princesse Kaguya.
Pour compléter la musique, trois chansons ont été composées pour le film. Les deux premières, incluses dans le long métrage, sont l’œuvre du réalisateur Isao TAKAHATA lui-même. La troisième, qui sert de générique de fin au film, est une création de l’artiste et nonne bouddhiste japonaise Kazumi NIKAIDO.
Mais ce qui fait réellement le sel de ce long métrage, c’est bien sa technique d’animation. Ici, point d’animation par ordinateur et d’images de synthèse, mais place à la technique traditionnelle de l’animation à la main. Une animation qui n’a jusque là jamais été vue sur un long métrage au cinéma, puisqu’elle a été faite uniquement au fusain et à l’aquarelle. Cette technique donne une beauté transcendante à l’image, accentuant encore plus le travail de l’animation, et donnant littéralement l’impression de voir les illustrations d’un livre de conte ou d’une peinture japonaise prendre vie devant nos yeux.
Pour aboutir à un tel résultat Isao TAKAHATA a fait appel aux meilleurs talents du Studio Ghibli, qui a même du faire construire un second studio spécialement pour la production du film. Le réalisateur a incrusté sa pâte graphique dans bon nombre d’éléments du film. Mais c’est essentiellement à travers le design de Kaguya enfant, véritable clone d’Heidi en brune, que l’on retrouve pleinement la signature TAKAHATA, telle la signature des personnages Disney issus d’un même animateur, et que l’on compare d’un film à l’autre.
Véritable œuvre des sens, poème onirique, conte moralisateur, Le conte de la Princesse Kaguya est un film unique en son genre. Malgré quelques longueurs qu’on lui pardonne volontiers, ce film est un vrai OFNI* de l’animation, à contre-courant complet de ce qui se fait actuellement partout dans ce secteur concurrentiel du cinéma.
Le conte de la Princesse Kaguya est à découvrir sur vos écrans dès le 25 juin 2014.