Après notre critique du film Vaiana, la Légende du Bout du Monde, nous vous proposons de revenir sur les différentes interviews organisées entre les sites de fans et les équipes du film, qui se sont tenues le jeudi 17 novembre 2016 au Mandarin Oriental à Paris.
C’est sous le jeu de la retranscription des questions posées par les différents intervenants présents, que nous vous proposons de découvrir les réponses de John Musker et Ron Clements (réalisateurs du film), et Osnat Shurer (productrice du film).
Question (Q) : Dans ce film, on voit un monde qui n’avait jamais été exploré jusque là dans l’animation. Quelles recherches avez-vous menées préalablement à la réalisation de Vaiana ?
Ron Clément (R.C.) : John Lasseter, notre nouveau grand chef au studio d’animation, adore tout ce qui est recherches préalables, et ça nous a beaucoup inspiré pour mener à bien celles de ce nouveau film. Nous avions cette envie de parler de cet univers, de ces îles du Pacifique. Et lorsque nous avons présenté cette idée il y a cinq ans à John Lasseter, il a de suite été emballé, mais il nous a demandé d’en apprendre davantage sur la nature de ce monde. Nous sommes alors partis découvrir les îles Samoa, Fidji, Tahiti, etc. Et nous avons appris entre autre l’histoire de la Navigation, car les habitants de ces îles étaient à l’époque les plus grands navigateurs du monde. Nous avons aussi compris à quel point l’océan était un vecteur important pour ces populations ; il est considéré comme une créature vivante. Et dans ces îles, tout tourne autour de la connaissance et du respect de la nature. Ces éléments, ainsi que l’immense respect des polynésiens pour leurs ancêtres, nous ont permis d’alimenter notre vision du film, tant et si bien que nous en avons jeté à la poubelle la première mouture réalisée avant ces voyages de recherches, pour réécrire l’histoire telle que vous pourrez la découvrir.
Q : Osnat, qu’est-ce que cela vous a fait de travailler pour la première fois avec ces deux réalisateurs de légende, et sur un projet aussi incroyable ?
Osnat Shurer (O.S.) : C’est vrai que c’était un honneur de travailler avec ces deux réalisateurs de légende, dont je connais tous les films. Mais il ne faut pas oublier que l’animation c’est avant tout l’art de la collaboration par excellence chez Disney. Dès le départ, nous avons travaillé avec des scénaristes, ainsi qu’avec des spécialistes (archéologues, anthropologues, tatoueurs, chorégraphes, etc.) que nous avons rencontrés lors de nos voyages dans les îles du Pacifique, qui ont formé le « Oceanic Story Trust ». Cela, combiné à la propre équipe « Story Trust » des studios d’animation Disney, a formé petit à petit une grande famille, qui a permis l’émergence de l’univers de Vaiana. Notre premier scénariste (nota : le réalisateur Taika Waititi) venait d’ailleurs des îles du Pacifique ; un de nos musiciens également. Il y a donc eu un véritable travail d’équipe entre les habitants de cette région, et les équipes de Walt Disney Animation Studios.
Q : Une grande partie du film est réalisée en animation par ordinateur, mais certains éléments, comme Mini-Maui, sont réalisés en animation traditionnelle. Pourquoi ce choix ?
John Musker (J.M.) : Parce que nous adorons l’animation traditionnelle. Il n’y a d’ailleurs pas que Mini-Maui fait à l’ancienne ; la scène d’introduction également. C’est notamment Eric Goldberg, immense animateur du studio, qui nous a aidés sur ces séquences. Globalement dans les îles du Pacifique, il y a une grande tradition de sculpture, mais pas tellement de peinture. Mais il y a une tradition formidable qui est celle du tatouage. Ces tatouages nous ont permis d’illustrer quelque chose, une idée qui a évolué lors de la conception du film : l’idée que Maui aurait une sorte de conscience, une sorte de Jiminy Cricket alter-ego, qui serait illustrée par l’un de ces tatouages, son Mini-Maui. Cela permet de ponctuer de façon intéressante le dialogue entre Maui et son alter-ego, en mettant en avant une voix qui le contredise, et qui le limite lorsqu’il devient trop pompeux. Outre la voix de la conscience de Maui, Mini-Maui est aussi un allié pour Vaiana, qui peut communiquer avec lui. Et bien entendu, nous aimons ce mélange entre animation traditionnelle et animation par ordinateur.
Q : Vaiana fait un peu penser à un mix de l’ensemble des héroïnes Disney. Ne tourne-t-on pas ainsi une page en offrant une héroïne dans l’air du temps.
R.C. : C’est vrai que nous-même, nous avons déjà animé différentes héroïnes Disney. Je pense bien évidemment à Ariel dans La Petite Sirène, à Jasmine dans Aladdin, ou bien encore à Tiana dans La Princesse et la Grenouille. Mais je crois que Vaiana est vraiment unique, car son voyage est réellement héroïque. C’est une véritable héroïne. Elle n’est pas dans une quête amoureuse. Il n’y a pas d’histoire d’amour ou de recherche d’amour dans le film. Elle veut juste sauver le monde et son peuple. Pour moi, elle est vraiment une héroïne d’action. Elle sera d’ailleurs plusieurs fois soumise à l’épreuve ; son courage, son endurance, sa compassion seront testés. Elle doit à chaque fois prouver qu’elle peut faire autre chose que ce à quoi elle était destinée. Et bien sûr, elle y arrive à chaque fois haut la main. Je crois qu’en cela, elle devient une héroïne d’un nouveau genre et d’une nouvelle époque.
Q : Dans le film, on voit clairement l’héritage de deux films des studios ; l’un que vous avez réalisé et l’autre non. Le premier c’est La Planète au Trésor avec son duo de personnages opposés qui partent pour une grande aventure. Le second c’est la séquence de l’Oiseau de Feu dans Fantasia 2000. Est-ce que vous pouvez nous dire en quoi ces films vous ont inspirés ?
J.M. : C’est vrai que la scène de Fantasia 2000 avec le volcan, réalisée par Gaëtan et Paul Brizzi (duo de frères jumeaux français, à l’origine de l’ancienne filiale française des studios d’animation Disney) nous a beaucoup inspirés. Elle a été comme un tremplin pour toute la partie concernant Te Ka et Te Fiti. Mais il y a eu aussi beaucoup d’autres influences, notamment, comme vous le disiez, la Planète au Trésor. Certes, Vaiana est un road trip, mais le mentor (Long John Silver) est différent tout de même de Maui. Puis Jim vient d’une famille assez compliquée ; il a perdu son père, c’est un adolescent assez renfermé sur lui-même ; ce qui n’est pas le cas de Vaiana
R.C. : Et puis Vaiana, c’est quand même l’une des seules héroïnes Disney à avoir ses deux parents encore vivants (rire).
J.M : Il y a des analogies bien sûr. Mais je crois que nous sommes aussi alles ailleurs. Car nous étions dans l’idée de la culture, et de la perte de celle-ci. Et puis il y a aussi le côté comédie musicale, avec pleins de chansons, que l’on ne retrouve pas dans la Planète au Trésor avec son unique titre.
Q : Les graphismes sont hyper-réalistes. Jusqu’à quel point un dessin animé peut-il être réaliste dans son esthétique avant de devenir un véritable film « live » ? Et quelles sont les éventuelles limites que vous vous fixez ?
J.M. : C’est vrai que parfois, on a l’impression que l’animation par ordinateur est trop réelle. On a donc essayé de s’éloigner de l’hyper-réalisme. Bien sûr, nous avons aussi voulu des détails, des précisions, des impressions, des regards, etc. Mais nous avons mis en scène cela d’une façon particulière, en allant parfois dans une légère caricature, parce que c’est ça aussi la beauté de l’animation. Par exemple l’océan. Nous avons voulu montrer la réalité de l’océan, dans sa force, ses reflets, dans ce qu’il est. Mais nous avons aussi voulu montrer que c’était un personnage à part entière. Il y a une volonté un peu hybride d’être dans le réalisme, mais aussi dans la beauté poussant vers la caricature. Par exemple, nous avons ramené des photographies de nos voyages, mais nous avons poussé cette réalité vers l’irréel, car nous ne voulions pas seulement dupliquer les formes, les couleurs, les mouvements ; nous voulions aussi montrer toute l’émotion qui nous était restée de ces voyages.
Q : Disney dispose d’une grande palette d’héroïnes pouvant évoluer dans le même univers, à l’image des personnages Marvel. Que pensez-vous de cette possibilité, et avez-vous déjà évoqué l’idée d’un éventuel cross-over pour un futur film ?
R.C. : Non (rire). Chaque personnage a sa propre histoire.
O.S. : Même s’il y a dans Vaiana des clins d’œil à d’autres films ou personnages Disney. Mais c’est vrai qu’en général, chaque film d’animation a son univers, son style visuel, différents lieux et différentes époques. Donc c’est vrai que faire un cross-over sérieux, autrement qu’avec l’aspect second-degré comme dans la série télévisée Once Upon A Time, c’est différent, et ça n’irait pas pour nous, car chaque film doit avoir son univers propre, son personnage unique. On ne dit pas jamais, mais ça ne marcherait pas pour le moment.
R.C. : Attendez Les Mondes de Ralph 2, vous aurez des surprises ! Mais nous ne vous en dirons pas plus (rire).
Pour la suite des interviews, nous avons pu rencontrer une partie du casting français ayant assuré le doublage, à savoir Cerise Calixte qui prête sa voix à Vaiana, Anthony Kavanagh dans la peau de Maui, et Mareva Galanter qui double Sina la mère de Vaiana. L’interview s’étant déroulée en français, nous vous proposons donc de découvrir directement les questions et les réponses à travers notre vidéo.
C’est ainsi que s’achève cette retranscription des interviews des équipes ayant travaillé sur Vaiana, la Légende du Bout du Monde.